Plan du sujet : S’entendre sur la justice est-il possible ?
Partie 1 /on peut s’entendre sur ce qu’est la justice puisqu’elle semble maximiser le bonheur. 1) maximisation du bonheur comme principe central : la justice, dans une perspective utilitariste, serait définie comme la recherche du plus grand bonheur pour le plus grand nombre. 2) La communauté comme entité centrale car la justice consiste à évaluer si une politique ou une action maximise le bonheur de cette communauté. 3) L’incontestabilité du principe d’utilité puisque tout argument moral doit finalement s’appuyer sur l’idée de maximisation du bonheur. Ainsi, même ceux qui prétendent s’opposer au principe d’utilité le font souvent en utilisant des motifs qui, indirectement, découlent de ce principe. 4) Applications pratiques de l’utilitarisme telles que le panoptique (un modèle de prison) et la gestion des pauvres. 5) Les droits naturels sont un « non-sens perchés sur des échasses ». Pour lui, les droits ne sont pas des entités intrinsèques à l’individu, mais des constructions sociales destinées à maximiser le bonheur collectif. Ainsi, la justice, du point de vue utilitariste, ne découle pas de droits naturels, mais de la recherche de l’utilité sociale.
Partie 2 /cette entente est coercitive, forcée et non universelle, elle se fait au détriment de la minorité. 1) La critique de Bentham envers les droits naturels peut être contestée par ceux qui estiment que les droits individuels ont une importance intrinsèque. 2) L’idée que le principe d’utilité est incontestable peut être remise en question par ceux qui soutiennent d’autres théories éthiques, telles que le devoir moral ou les droits naturels. 3) des contre exemples comme « Omelas » peuvent être exploités. Que vaut une entente qui brimerait la minorité, en quel sens doit-on redéfinir la justice, si ce n’est au sens moral ? Non seulement il doit être possible de s’entendre, mais c’est un devoir de s’entendre sur ce qu’elle est. Le paradoxe, c’est qu’on fait le plus souvent l’expérience de l’injustice. Ne pourrait-on pas utiliser cette expérience de l’injustice pour tester notre conception morale de la justice ?
Partie 3/ une entente sur la justice ne peut être qu’une idée, mais en tant que telle cette idée ou idéal peut avoir un pouvoir régulateur des injustices que l’on voit de produire dans le monde. 1) on pourrait s’aider de l’article de Comte Sponville sur le juste qui fait la justice sur fond d’injustice. 2) on pourrait aussi utiliser Kant car il propose une approche de la justice qui repose sur des principes moraux universels et inconditionnels, et qui place la dignité humaine au centre de cette conception. Cette perspective semble bien offrir une base philosophique et pratique solide pour s’entendre sur ce qu’est l’idée de la justice en mettant l’accent sur le respect des droits et de la dignité de chaque individu, indépendamment de toute fin particulière.
Sujet : S’entendre sur la justice est-il possible ?
Imaginons qu’un hôpital dispose de cinq organes vitaux pour des patients en attente de transplantation. L’un de ces organes peut être attribué à une personne, tandis que les quatre autres pourraient être distribués à une multitude de patients souffrant de diverses affections. Dans ce scénario, nous sommes confrontés à la question cruciale de la justice, c’est-à-dire répartir ces organes pour maximiser le bien-être de la communauté hospitalière. L’exemple met en évidence le dilemme moral auquel la justice est confrontée, et c’est dans ce contexte que nous explorons la possibilité de parvenir à un consensus sur ce qui est juste : s’entendre sur la justice est-il possible ?
Que vaudrait une entente sur la justice, un accord qui brimerait une minorité au nom de la majorité et en quel sens doit-on redéfinir la justice, si ce n’est au sens moral ? Non seulement il doit être possible de s’entendre, mais c’est peut-être un devoir de s’entendre sur ce qu’elle est. Le paradoxe, c’est qu’on fait le plus souvent l’expérience de l’injustice. Ne pourrait-on pas utiliser cette expérience de l’injustice pour tester notre idéal de conception de la justice afin de savoir ce qu’est un homme juste ?
Dans un premier temps il semblera que l’on puisse s’entendre sur ce qu’est la justice puisqu’elle semble maximiser le bonheur : maximisation du bonheur comme principe central de la justice, dans une perspective utilitariste, définie comme la recherche du plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Puis, nous verrons, au nom des droits individuels ayant une importance probablement intrinsèque, que cette première entente est coercitive, forcée et non universelle, se faisant au détriment de la minorité. Enfin, nous questionnerons l’expérience que nous faisons de l’injustice pour savoir ce qu’est un homme juste, montrant par là qu’une entente doit se faire préalablement sur l’injustice au nom d’un idéal de justice.
On pourrait peut-être s’entendre sur ce qu’est la justice car elle semble, en premier lieu, maximiser le bonheur. Dans la perspective utilitariste de Bentham, la justice peut être définie comme la recherche du plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Pour Bentham, agir justement revient à faire tout ce qui est susceptible de maximiser l’utilité, c’est-à-dire la somme du plaisir sur la douleur. Ce principe énoncé de manière simple dans l’ Introduction aux principes de morale et de législation est intuitivement séduisant, car il vise à améliorer le bien-être de la société dans son ensemble. La justice consiste à déterminer si une politique ou une action maximise le bonheur de la communauté conçue comme somme des intérêts particuliers. Il s’agit d’une vision conséquentialiste de la justice, où l’impact global sur le bonheur est essentiel pour évaluer si quelque chose est juste. Bentham soutient que le principe d’utilité est incontestable, car tout argument moral, même ceux qui prétendent s’opposer à ce principe, finit par s’appuyer sur l’idée de maximisation du bonheur.
Il propose des applications pratiques de l’utilitarisme, telles que le panoptique (un modèle de prison) et la gestion des pauvres. Ces exemples montrent comment l’utilitarisme peut être utilisé pour structurer des institutions et des politiques.
Le Panopticon de Bentham, tel qu’il le décrit, présente des avantages en termes de surveillance individualisée, de prévention de la violence, d’optimisation du travail, de gestion flexible, et d’efficacité dans l’administration des établissements. Plus spécifiquement, les détenus, les malades, les fous, ou les enfants ne peuvent pas interagir ou influencer négativement les uns les autres en raison de l’isolation imposée par le Panopticon. La disposition architecturale permet une surveillance constante et efficace. Le surveillant dans la tour centrale peut voir chaque individu clairement grâce à la pleine lumière et à la visibilité axiale. Le Panopticon dissuade les affrontements physiques entre les surveillants et les détenus car le pouvoir s’exerce principalement par la surveillance constante plutôt que par la force physique. Il permet encore à n’importe qui de surveiller, ce qui signifie que le pouvoir peut être exercé par différents individus sans qu’ils aient besoin d’utiliser la force physique. Cela donne une grande flexibilité dans l’administration de l’établissement.
Bentham considère également que les droits naturels sont un « non-sens perchés sur des échasses » et pour lui les droits naturels sont seulement des constructions sociales destinées à maximiser le bonheur collectif. Il ne considère pas les droits comme des entités intrinsèques à l’individu. Cela remet en question la notion traditionnelle de droits inaliénables et pose la question de savoir si les droits individuels sont sacrifiés au nom de l’utilitarisme.
Le calcul utilitariste permet, ou est une méthode prétendue certaine pour évaluer la moralité d’une action en se basant sur le principe de maximisation du bonheur. Il consiste à peser les plaisirs et les peines générés par une action pour déterminer si cette action est moralement justifiée. Pour comprendre ce calcul, prenons un exemple : supposons qu’une entreprise envisage de fermer une usine, ce qui entraînerait la perte d’emplois pour les travailleurs de cette usine. D’un côté, nous avons les plaisirs liés à la décision de l’entreprise, comme les économies financières qu’elle pourrait réaliser. D’un autre côté, nous avons les peines, telles que la perte d’emplois, les difficultés financières pour les travailleurs, et les retombées négatives sur la communauté locale. Le calcul utilitariste consisterait à évaluer ces plaisirs et peines. Si, après une analyse minutieuse, il s’avère que la somme des plaisirs l’emporte sur la somme des peines, le calcul indiquerait que la décision de l’entreprise est moralement justifiable du point de vue du bonheur. Cependant, si la somme des peines est plus grande que la somme des plaisirs, le calcul indiquerait que la décision est moralement répréhensible.
Ce n’est pas seulement la quantité de plaisir ou de peine qui est prise en compte, mais aussi le nombre de personnes affectées. Dans l’exemple de la fermeture de l’usine, le calcul tiendrait compte à la fois des intérêts de l’entreprise, des travailleurs licenciés et de la communauté locale. On évalue les conséquences pour chaque partie et on additionne ces évaluations pour chaque groupe. En fin de compte, le bilan est déterminé en comparant la somme des plaisirs et des peines résultant de l’action, ainsi que le nombre de personnes affectées. Si la balance penche du côté du plaisir et que la somme des plaisirs l’emporte sur la somme des peines, alors l’action est considérée comme moralement justifiée du point de vue de l’utilitarisme. Si la balance penche du côté de la peine, l’action est jugée comme moralement répréhensible et donc injuste.
Cependant, est-il simplement légitime de tout réduire à une seule valeur prétendue quantifiable ? Mesurer les plaisirs et les peines, ainsi que sur la façon de prendre en compte les intérêts de toutes les parties concernées, c’est parfois négliger les droits individuels ou la justice, au nom de cette maximisation du bonheur. Cette perspective soulève des questions sur la mesure quantitative du bonheur, les droits individuels, les minorités et les limites de l’utilitarisme en tant que fondement pour une entente sur la justice.
Cette entente pourrait bien être coercitive, forcée, et non universelle, et se faire au détriment de la minorité.
Pour qui défend l’idée que les droits individuels ont une importance intrinsèque, les droits naturels sont des protections fondamentales des individus contre les abus de pouvoir de la majorité. L’argument de Bentham pour maximiser le bonheur collectif peut laisser de côté les droits individuels. Les partisans des droits naturels soutiennent que les individus ont des droits inaliénables qui ne doivent pas être sacrifiés au nom de l’utilitarisme. Cette critique souligne les tensions entre la maximisation du bonheur collectif et la protection des droits individuels, ce qui remet en question l’idée que l’entente sur la justice est possible sans coercition.
L’idée de devoirs moraux intrinsèques, voire innés entre en conflit avec la recherche du plus grand bonheur. Par exemple, on peut considérer comme immoral de violer un droit individuel même si cela maximise le bonheur global. Les théories éthiques non-utilitaristes suggèrent que d’autres principes moraux, distincts du principe d’utilité, sont essentiels pour déterminer ce qui est juste. Cette remise en question de l’incontestabilité du principe d’utilité souligne que l’entente sur la justice dépend de la perspective éthique que l’on adopte. C’est le sens du contre-exemple comme le récit « ceux qui partent d’Omelas » de l’auteur de science-fiction Ursula K. Le Guin, qui propose un contre-exemple puissant à l’idée que la maximisation du bonheur justifie tout. Dans cette histoire, le bonheur de la majorité repose sur le sacrifice et la souffrance d’un enfant. L’entente sur la justice dans ce contexte semble clairement injuste, car elle se fait au détriment de la minorité. Ce récit met en lumière la question de savoir si la justice peut vraiment être établie de manière universelle et si elle peut ignorer les droits et le bien-être des individus marginalisés. Il soulève la nécessité de redéfinir la justice au sens moral et de considérer les conséquences pour la minorité plutôt que de se concentrer uniquement sur la maximisation du bonheur global.
C’est aussi le sens de la critique que pouvait adresser Michel Foucault dans Surveiller et punir : le Panopticon de Bentham comporte des inconvénients importants, notamment en ce qui concerne l’isolement, la surveillance constante, la perte d’intimité, la désindividualisation du pouvoir, la manipulation, la perte de liberté, les injustices potentielles, la dérive autoritaire, la déshumanisation et l’instrumentalisation de la connaissance. Ces aspects négatifs soulignent les préoccupations de Foucault quant aux implications du Panopticon dans la société et le pouvoir. Les individus sont contraints de se conformer aux normes établies par le surveillant, même en l’absence de sa présence physique. Cette contrainte constante peut limiter leur liberté d’action et d’expression. Le Panopticon peut être utilisé pour manipuler et contrôler les individus. Les expériences menées dans cet environnement visent à modifier le comportement des personnes selon les objectifs du surveillant, soulevant des questions éthiques. Le panoptique va irrémédiablement mener à des injustices, car il repose sur la surveillance constante et la possibilité de punition en cas de non-conformité. Les individus peuvent être condamnés ou punis sans un réel examen de leur culpabilité. La facilité avec laquelle le Panopticon permet la surveillance et le contrôle des individus peut ouvrir la voie à des abus de pouvoir et à une dérive autoritaire : les personnes en position de surveillance pouvant être tentées d’abuser de leur autorité. Le Panopticon traite les individus comme des objets de surveillance plutôt que comme des êtres humains dotés de droits et de dignité. Cette déshumanisation fait la preuve qu’une entente sur une justice qui bénéficierait à la majorité ne peut se faire.
Finalement, la critique de l’utilitarisme de Bentham met en lumière des questions concernant la place des droits naturels, la contestabilité du principe d’utilité et les contre-exemples éthiques. Ces critiques soulignent les difficultés inhérentes à l’établissement d’une entente universelle sur la justice, en particulier lorsqu’elle est coercitive et au détriment de la minorité. La justice semble être un concept complexe et sujet à des interprétations variées, et son établissement soulève des débats éthiques profonds. En quel sens doit-on redéfinir la justice, si ce n’est au sens moral ? Non seulement il doit être possible de s’entendre, mais c’est un devoir de s’entendre sur ce qu’elle est. Le paradoxe, c’est qu’on fait le plus souvent l’expérience de l’injustice. Ne pourrait-on pas utiliser cette expérience de l’injustice pour tester notre conception morale de la justice ?
Une entente sur la justice n’est peut être qu’une idée, mais en tant que telle cette idée ou idéal peut avoir un pouvoir régulateur des injustices que l’on voit se produire dans le monde.
Lorsqu’il s’agit de trouver une résolution morale aux problèmes liés à l’entente sur la justice, l’approche de Kant offre une perspective particulièrement solide. Kant propose une conception de la justice ancrée dans des principes moraux universels et inconditionnels, mettant la dignité humaine au centre de cette conception. Cette perspective semble offrir une base philosophique et pratique pour s’entendre sur ce qu’est l’idée de la justice tout en mettant l’accent sur le respect des droits et de la dignité de chaque individu, indépendamment de toute fin particulière.
L’impératif catégorique de Kant, avec ses deux formulations, joue un rôle central dans cette résolution. La première formulation, « Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle » souligne l’importance de l’universalité dans nos actions. Pour Kant dans les Fondements de la Métaphysique des moeurs, l’idée de justice doit reposer sur des maximes d’action qui puissent être généralisées sans contradiction. Cela signifie que pour établir une entente sur la justice, nous devons chercher des principes qui s’appliquent à tous, sans exception. En d’autres termes, la justice ne peut pas être fondée sur des règles spécifiques à un groupe ou à une situation particulière, mais doit être universelle et applicable à toutes les personnes.
La deuxième formulation de l’impératif catégorique, « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme fin, jamais simplement comme moyen » met en avant le respect de la dignité humaine. Kant insiste sur le fait que les individus ne doivent pas être traités comme de simples moyens pour atteindre des fins, mais comme des fins en eux-mêmes. Cela signifie que dans une entente sur la justice, les droits et la dignité de chaque individu doivent être préservés et respectés. Aucune personne ne doit être sacrifiée au nom d’une fin collective, ce qui va à l’encontre de l’utilitarisme de Bentham.
Cette approche de la justice repose sur des principes moraux inconditionnels, elle ne dépend pas de circonstances particulières ou de fins spécifiques. Cela contraste fortement avec l’approche utilitariste qui évalue les actions en fonction de leurs conséquences sur le bonheur global. Pour Kant, la justice ne peut pas être soumise à des compromis basés sur la maximisation du bonheur. Au contraire, elle repose sur des devoirs moraux stricts et des droits inaliénables. Les principes de justice qu’il propose sont valables pour toutes les personnes, indépendamment de leur identité, de leur situation ou de leurs intérêts particuliers. Cela signifie que l’entente sur la justice, selon Kant, ne peut être qu’une idée, mais elle est une idée qui transcende les contingences individuelles et culturelles. Elle constitue un idéal moral qui vise à établir des règles justes et équitables pour tous.
L’approche kantienne offre également un cadre solide pour lutter contre les injustices que l’on voit se produire dans le monde. En mettant l’accent sur la dignité humaine et les droits universels, elle fournit des outils pour critiquer les actions injustes et les politiques discriminatoires. Les violations des droits individuels et de la dignité humaine peuvent être identifiées et dénoncées à la lumière des principes kantiens. Cette approche morale peut aussi influencer les législations et les normes sociales en faveur de la justice et de l’égalité.
Le philosophe Comte-Sponville dans le Petit traité des grandes vertus explore, lui aussi, la complexité de la justice et suggère que l’entente sur ce concept peut être difficile à atteindre, mais que l’on peut s’accorder sur l’injustice. La justice ne se limite pas à une simple conformité à la loi, mais qu’elle va au-delà, cherchant à instaurer une égalité de droit malgré les inégalités de fait. Cette perspective souligne l’importance de l’équité, qui permet d’adapter la loi à la complexité changeante des circonstances et à la singularité des situations. L’équité n’est pas simplement une question de légalité, mais une valeur morale et une exigence. Elle repose sur l’idée que la justice doit s’appliquer de manière vivante et concrète, prenant en compte la diversité des individus. Cela signifie que la justice ne peut pas être réduite à des règles générales, mais doit être adaptée aux situations particulières.
De plus, l’équité ne va pas sans miséricorde. Cela ne signifie pas nécessairement renoncer à punir, mais plutôt surmonter la haine et la colère pour que le jugement soit équitable. Cette idée suggère que la justice doit être teintée d’humanité et de compréhension. L’équité exige également d’autres vertus, telles que l’intelligence, la prudence, le courage, la fidélité, la générosité et la tolérance. Elle est une vertu complète qui englobe toutes les autres. Cette vision de la justice qui dépasse la simple application mécanique des lois.
Un homme juste est celui qui met sa force au service du droit et des droits, qui instaure un ordre basé sur l’égalité de chaque individu, malgré les inégalités de fait. Cette définition met en lumière la notion de justice comme un idéal à atteindre, un ordre qui n’existe pas encore, mais qui est nécessaire pour que la société puisse fonctionner de manière équitable.
Cependant, Comte-Sponville reconnaît que le monde résiste à cet idéal, tout comme l’homme résiste à l’injustice qu’il porte en lui. Le combat pour la justice est donc un effort constant, car il n’a pas de fin. La justice reste un idéal vers lequel il faut tendre, et c’est en poursuivant cet idéal que l’homme peut s’approcher de la justice. La notion d’un Royaume de la justice parfaitement réalisé est hors de portée, mais cela ne signifie pas que l’effort pour l’atteindre doit cesser.
En somme, avec Comte-Sponville nous pouvons mettre en lumière la complexité de la justice en soulignant que l’entente sur ce concept peut être difficile à atteindre, mais que l’on peut s’accorder sur l’injustice. La justice est un idéal à poursuivre constamment, même si la perfection de cet idéal reste hors d’atteinte. La justice est un idéal vers lequel il faut tendre, et le combat pour la justice est un engagement de chaque instant.
Dans la perspective utilitariste de Bentham, la justice est appréhendée comme la quête du plus grand bonheur pour le plus grand nombre, basée sur le principe de maximisation de l’utilité, c’est-à-dire la somme des plaisirs sur la douleur. Cette conception, intuitivement séduisante, vise à améliorer le bien-être de la société dans son ensemble. Il propose également des applications pratiques de l’utilitarisme, comme le panoptique, un modèle carcéral, qui promeut une surveillance efficace, tout en soulevant des questions sur les droits individuels. De plus, Bentham remet en cause la notion de droits naturels, les considérant comme des constructions sociales pour maximiser le bonheur collectif, ce qui soulève des interrogations sur la préservation des droits individuels au nom de l’utilitarisme. Cette perspective invite à réfléchir sur la mesure du bonheur, les droits individuels, les minorités et les limites de l’utilitarisme en tant que fondement de la justice. Elle souligne l’importance de considérer ces aspects complexes lors de la recherche d’un accord sur la justice.
Mais pour ceux qui accordent une importance intrinsèque aux droits individuels, les droits naturels sont des boucliers essentiels contre les abus de pouvoir de la majorité. L’argument utilitariste de Bentham, axé sur la maximisation du bonheur collectif, bafoue les droits individuels et ces droits inaliénables sont sacrifiés au nom de l’utilitarisme. Des contre-exemples, tels que le récit d’Ursula K. Le Guin, « ceux qui partent d’Omelas » remettent en question l’idée que la maximisation du bonheur justifie tout. Dans cette nouvelle, le bonheur de la majorité repose sur la souffrance d’un enfant, illustrant une entente sur la justice clairement injuste, au détriment de la minorité. Cela soulève la nécessité de redéfinir la justice d’un point de vue moral, en prenant en compte les droits et le bien-être des individus marginalisés. Redéfinir la justice au sens moral devient crucial, car l’expérience de l’injustice est courante. Cette expérience pourrait servir à évaluer notre conception morale de la justice et nous guider vers une véritable entente sur ce concept fondamental.
L’idée d’une entente sur la justice peut sembler être une abstraction, mais cette idée ou idéal détient un pouvoir régulateur sur les injustices observées dans le monde. Pour trouver une résolution morale à ce défi, l’approche kantienne propose une conception de la justice enracinée dans des principes moraux universels et inconditionnels, avec la dignité humaine au cœur de cette conception. Il met l’accent sur le respect des droits et de la dignité de chaque individu, indépendamment de toute fin particulière. Cela contraste avec l’approche utilitariste de Bentham, qui évalue les actions en fonction des conséquences sur le bonheur global. Pour Kant, la justice doit être fondée sur des principes moraux inconditionnels, valables pour tous, indépendamment de leur identité ou de leurs intérêts particuliers. Comte-Sponville reconnaît que le monde résiste à cet idéal, tout comme l’homme résiste à l’injustice qui réside en lui. La justice reste un idéal régulateur de nos actions vers lequel il faut tendre, même si la perfection, selon la formule consacrée « n’est pas de ce monde ».