Problématique : Comment préparer au Grand Oral à partir des exercices réalisés en classe de HLP (première et terminale) ?
Par Antonia Maestralli, professeure de classe préparatoire aux grandes écoles, lycée Corneille, académie de Normandie
En classe de première, le programme du semestre 1 porte sur « Les pouvoirs de la parole » et invite à
s’interroger sur les modalités et les effets de la parole orale. Cela représente une occasion idéale pour
travailler sur la question de la pratique orale des élèves dès le début de la classe de première.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de préparer le Grand Oral à proprement parler, mais plutôt de poser
des jalons pour la suite.
Plus précisément, les actions que l’on peut mener en classe dans le cadre de cette partie du programme
peuvent revêtir un caractère réflexif, une dimension « méta » : en analysant et en mettant en voix les
discours d’autrui, les élèves sont invités à travailler sur leur propre prise de parole. C’est dans
cette perspective que nous vous présentons le travail suivant.
Exemple de pratique de l’oral en HLP première (Littérature) : Oraux à partir d’analyses de grands discours de l’Histoire
Contexte :
– Semestre 1 (« Les pouvoirs de la parole ») > axe 2 « L’autorité de la parole » > séquence intitulée
« L’efficacité du discours ». Après avoir étudié les principes et les règles de la rhétorique, on en vient à
une mise à l’épreuve, guidés par la problématique suivante : « Dans quelles conditions des paroles
peuvent-elles acquérir le pouvoir, l’autorité ou la légitimité pour changer le monde ? »
– On considère qu’à ce stade de l’année (novembre), les élèves ont acquis suffisamment d’outils
d’analyse (méthode du commentaire en français tronc commun, ainsi que début de pratique de la
question d’interprétation en spécialité HLP) et de connaissances sur l’art du discours pour pouvoir
préparer ce travail. Il nous semble également important de les faire pratiquer l’oral relativement tôt
dans l’année, sans trop attendre.
Organisation du travail :
– Quelques semaines à l’avance, les élèves sont invités à choisir un discours parmi une liste donnée.
Support : Les grands discours de femmes qui ont changé l’Histoire, textes réunis et présentés par Céline
Delavaux, 2019 (une vingtaine de textes). D’autres supports sont bien sûr possibles ; ce corpus
présente l’avantage de bien mettre en question l’efficacité de la parole, en s’intéressant à des oratrices
dont la plupart n’étaient pas en position de pouvoir, ou bien dont le discours avait pour enjeu de
défendre une minorité. Voir annexe 1 : liste des sujets et axes pour la reprise.
– Travail individuel (de préférence) ou en binôme, selon l’effectif du groupe.
Contenu et format des oraux :
– Durée : 10 minutes > format plus long que la partie 1 du GO (5 minutes) mais nécessaire pour
mener l’analyse, et présente l’avantage de permettre à l’élève de s’entraîner à parler relativement
longtemps (durée totale du GO : 20 minutes).
– Mise en voix et en gestes d’un extrait du discours > permet de mettre l’accent sur des
compétences parfois négligées : intonation, rythme, gestes, voire théâtralité. Cette partie invite l’élève à
s’approprier et à réutiliser certains procédés dans sa propre présentation (l’analyse du discours), et
ceux-ci pourront bien sûr être de nouveau exploités lors du GO.
– Analyse littéraire qui interroge l’originalité et l’efficacité du discours > l’élève doit fournir une
prestation orale pour rendre compte de son travail et des résultats de ses recherches, ce qui est
évidemment formateur pour la préparation du GO.
– Chaque oral est suivi d’un échange puis d’une reprise > permet de s’initier à la partie 2 du GO,
sous une forme réduite (2 questions) ; entraînement au dialogue avec le jury (réactivité, attitude).
Remarque : on préférera appeler ces exercices des oraux plutôt que des exposés, car le terme exposé tend à donner l’impression qu’il suffit d’exposer ce qu’on a préparé, tandis que le terme d’oral met plus en valeur la dimension spontanée et les échanges avec le jury
Objectifs en lien avec le Grand Oral :
– Mener des recherches en autonomie.
– Replacer chaque discours dans un contexte historique, politique et social.
– Analyser un discours en réutilisant les compétences acquises en classe et en exerçant son esprit
critique.
> Items à relier à la préparation de la partie 1 du GO.
– En analysant la prestation orale d’autres personnes, réfléchir à sa propre pratique de l’exercice.
– Mettre en œuvre soi-même les procédés et effets de l’art de la parole dans le cadre d’une expression
orale.
> Items à relier aux parties 1, 2 et 3 du GO : la prestation orale dans son ensemble.
Critères d’évaluation :
Cet exercice permettant de travailler à la fois le fond et la forme, cela doit se refléter dans le barème,
dans la grille d’évaluation. Trop souvent, les élèves ne pensent qu’au contenu et le lisent ou le récitent
sans réflexion particulière sur la prestation orale. Mettre en avant la qualité de la prestation orale
dans les critères d’évaluation, en en informant les élèves à l’avance, permet de s’assurer qu’ils
prennent cet aspect en compte et qu’ils le travaillent.
Voir annexe 2 : grille d’évaluation
Un exercice pour le professeur également :
Important pour le professeur également de s’entraîner à évaluer ce type d’épreuve, notamment en ce qui concerne l’entretien :
– Posture à adopter pour instaurer un climat de confiance, attitude bienveillante
– Modalités d’interrogation : questions ouvertes, entrée dans un véritable dialogue et non dans un
enchaînement mécanique de questions-réponses…
Bilan de l’exercice :
Réussites :
– Temps de préparation conséquent : permet aux élèves ayant joué le jeu de bien maîtriser leur sujet, et donc de se détacher plus facilement de leurs notes.
– La plupart des élèves ont vraiment fait l’effort de s’adresser à l’ensemble de leur auditoire (posture, regards, parler suffisamment fort), et pas seulement au professeur.
– Les plus à l’aise ont fait preuve d’inventivité. Par exemple, l’élève présentant le discours d’Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt a raconté une anecdote amusante sur l’oratrice, qui aurait pu s’apparenter à une digression, mais qui a en réalité éveillé l’attention de l’auditoire. En racontant la petite histoire au sein de la grande, la parole se fait plus spontanée, et ainsi plus efficace : cela peut inspirer des idées pour le GO.
Limites :
– Les élèves ont parfois tendance à se cacher derrière une belle présentation Powerpoint, comme si les
diapos dédouanaient de faire plus d’efforts dans sa prise de parole. Cet écueil sera évité au GO qui ne
permet pas ce type de support.
– Quelques-un(e)s ont préféré apprendre par cœur leur présentation. Certes, le regard n’est ainsi pas rivé sur des fiches ; mais l’oral manque de spontanéité.
– Sans doute gagnerait-on à ré-organiser un travail de ce type sur un autre support plus tardivement
dans l’année, pour mesurer les progrès des élèves (et qu’ils les mesurent eux-mêmes !).
Bilan prospectif :
On pourrait imaginer, à cette occasion ou lors d’un autre exercice du même type, d’inclure les autres élèves dans l’entretien : certains jouerait le rôle du jury et devraient mener un entretien avec l’élève passant son oral. Au-delà de l’entraînement pour l’élève-candidat, c’est aussi formateur pour les élèves-jury : en se mettant dans la peau de l’examinateur, on comprend mieux, de l’intérieur, les attentes. Cela permet aussi de varier le type de questions posées, en variant les interrogateurs (au lieu du seul professeur). Ce travail demanderait un petit temps de préparation pour que les élèves comprennent quel type de questions ils peuvent poser.
Annexe 1 : Organisation des séances avec liste des sujets et axes de reprise
Le discours qui enflamme ou apaise le combat – 1h30
– Elizabeth Ire d’Angleterre, discours à ses troupes à Tilbury, 9 août 1588.
Axe pour la reprise : La parole suffit-elle à instaurer une autorité ?
– Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt, discours à la Société fraternelle des Minimes, 25 mars 1792.
Axe pour la reprise : Ce discours correspond-il à ce qu’on attend d’une parole révolutionnaire ?
– Dolorès Ibárruri, discours au Ministère de l’Intérieur à Madrid, Espagne, 19 juillet 1936.
Axe pour la reprise : Par quels procédés ce discours insuffle-t-il une force combative à ses
auditeurs ?
– Aung San Suu Kyi, discours à Rangoun, Birmanie, 9 juillet 1990.
Axe pour la reprise : En quoi la forme de ce discours est-elle bien adaptée à son sujet ?
Comment galvaniser la foule par son discours ? – 1h30
– Eva Perón, discours à Buenos Aires, Argentine, 23 septembre 1947.
Axe pour la reprise : Est-ce le statut d’icône qui donne de la force au discours, ou l’inverse ?
– Joséphine Baker, discours lors de la marche pour la liberté à Washington D.C., États-Unis, 28 août
1963.
Axe pour la reprise : Comment et pourquoi ce discours lie-t-il expérience personnelle et lutte
collective ?
– Angela Davis, discours lors de la marche des femmes, Washington D.C., États-Unis, 21 janvier 2017.
Axe pour la reprise : Pourquoi ce discours délibératif se tourne-t-il pourtant beaucoup vers le
passé ?
– Naomi Wadler, discours lors de la marche pour nos vies, Washington D.C., États-Unis, 24 mars 2018.
Axe pour la reprise : Comment l’ethos de l’oratrice décuple-t-il les effets de son discours ?
Convaincre pour obtenir des droits – 2h
– Sojourner Truth, discours à la Convention des droits de la femme à Akron, Ohio, États-Unis, 1851.
Axe pour la reprise : À quoi tient la force de ce discours d’une oratrice doublement privée de
parole ?
– Emmeline Pankhurst, discours à Hartford, Connecticut, États-Unis, 13 novembre 1913.
Axe pour la reprise : En quoi le recours aux exemples est-il un moyen efficace pour convaincre ?
– Eleanor Roosevelt, discours à la Sorbonne à Paris, France, 28 septembre 1948.
Axe pour la reprise : En quoi l’oratrice s’adapte-t-elle particulièrement bien à son auditoire ?
– Simone Veil, discours à l’Assemblée nationale à Paris, France, 26 novembre 1974.
Axe pour la reprise : Pourquoi l’oratrice développe-t-elle tout particulièrement l’étape de la
réfutation ?
– Hillary Clinton, discours à la 4e conférence mondiale de l’ONU sur les femmes, Pékin, 5 septembre
1995. Axe pour la reprise : Comment ce discours laisse-t-il voir l’avocate derrière la première
dame ?
– Christiane Taubira, discours à l’Assemblée nationale, Paris, France, 29 janvier 2013.
Axe pour la reprise : Un bon orateur doit-il privilégier maîtrise de soi ou sens de la répartie ?
Plaider au tribunal – 1h
– Louise Michel, discours à la Cour d’assises de la Seine, France, 22 juin 1883.
Axe pour la reprise : Comment la plaidoirie se transforme-t-elle en tribune ?
– Rosa Luxemburg, discours devant le tribunal de Francfort, Allemagne, 20 février 1914.
Axe pour la reprise : S’agit-il seulement d’un discours judiciaire ?
– Gisèle Halimi, plaidoirie au tribunal de Bobigny, France, 8 novembre 1972.
Axe pour la reprise : Comment cette plaidoirie dépasse-t-elle un cas particulier pour viser la
société entière ?
Annexe 2 : Grille d’évaluation
Investissement dans les recherches, sélection pertinente des informations conservées. |
/4 |
Bon ciblage des points essentiels et de la particularité du discours. Réinvestissement pertinent des notions vues en classe. |
/10 |
Qualité de la prestation orale, prise en compte du public, qualité de la lecture du discours. |
/6 |